La Maison Tellier : « Il y a un côté irréductible à faire du rock »

Des guitares électriques pour maintenir la flamme, le bordel de Maupassant et la mélancolie du temps qui passe, Muhammad Ali et Nick Cave… Rencontre avec Helmut Tellier, primitif moderne et taulier de la Maison du même nom, avant le concert du plus beau groupe de folk-rock de Rouen, de France et du monde, ce vendredi 4 octobre à la Cave à Musique de Mâcon.

Bonjour. Vous êtes Helmut Tellier, le chanteur/guitariste de la Maison Tellier… Il n’y a que des Tellier dans cette maison !

Oui, c’est la condition sine qua non pour en faire partie, plus que le talent ! En fait, on est des faux frères. Comme les Ramones.

La Maison Tellier, c’est aussi le nom d’un bordel…

C’est une nouvelle de Maupassant qui se déroule dans une petite ville de Normandie. Comme on vient de Rouen, on a adressé un petit clin d’œil à l’auteur normand. « La Maison Tellier », le bordel, ferme pour cause de communion de la nièce de la mère maquerelle ! Voyage et cérémonie au cours de laquelle les pensionnaires connaîtront l’illumination…

« On a eu tendance à « rockiver » les morceaux »

Les cinq faux-frères de la Maison Tellier/Photo William Lacalmontie

Parlons du dernier album, Primitifs modernes. C’est pour faire moderne que vous avez rajouté synthés et boîtes à rythme ?

On a expérimenté les synthés sur la tournée Avalanche (NDR : le précédent album) et on les a gardés sur Primitifs modernes. Au bout de six albums, on a voulu sortir un peu des orchestrations folks et guitares en bois qui restent notre ADN.

Là, ce serait plutôt rock et guitares électriques, non ?

Tout à fait. Avalanche était plutôt soft et soyeux. Pendant la tournée, on a eu tendance à « rockiver » les morceaux. On a suivi cette direction sur le dernier album.

Les grosses guitares vous démangeaient ?

On en avait envie depuis longtemps. Mais à l’époque, on est arrivé sur les cendres encore fumantes de Noir Désir. On était surprudents. On ne voulait pas suivre la cohorte. Aujourd’hui, il y a prescription !

Le folk-rock, les guitares électriques, ce n’est plus trop dans l’air du temps…

Oui, il y a un côté irréductible à faire du rock. On est là pour maintenir la flamme en attendant que ça revienne. Ça reviendra. Peut-être que l’industrie musicale attend un nouveau Kurt Cobain. Pour l’instant, les 15-25 ans, c’est-à-dire ceux qui font et défont les modes, sont sur les musiques urbaines. On fait le gros dos. Mais on ne va pas se mettre à faire du rap.

« Tristesse, colère et fatalisme après l’incendie de Rouen »

Actualité oblige, comment ne pas évoquer avec Helmut Tellier l’incendie de l’usine de produits chimiques qui a ravagé sa ville et la région de Rouen ?

J’ai mal, comme plein de gens. C’est un mélange de tristesse, de colère et de fatalisme. Le côté positif, c’est que cette catastrophe met la lumière sur des choses sur lesquelles on a tendance à s’assoupir. Il existe 700 sites Seveso « seuil haut » en France. Rouen concentre beaucoup d’industries chimiques qui se sont installées en bord de Seine. Là 5000 tonnes d’hydrocarbures sont parties en fumée, l’équivalent de 500 000 pleins de voiture ! C’est le symbole d’une société complètement intoxiquée à la bagnole et de notre dépendance aux énergies fossiles. C’est aussi l’occasion pour les citoyens de se soucier de leur avenir, plutôt que de donner aux politiques un avoir pour cinq ans. On compte sur l’Etat pour nous protéger du moindre souci. On est très content qu’il s’occupe des trucs chiants. Sauf que là, les trucs chiants arrivent dans nos jardins.C’est mon avis de citoyen. L’artiste, lui, n’est pas dans la démarche de changer les choses. J’ai mis la barrière entre les deux pour ne pas parasiter ce que je pense en tant que citoyen.

« Elles sont loin les grandes espérances, elle a bien chuté la fièvre d’adolescence » disent « Les Apaches, qu’ils ont bien eus ». Les Apaches, les irréductibles, ces « primitifs modernes hyper-oisifs que les shérifs enferment dans nos cavernes ». C’était mieux avant ?

Non. Je suis partisan du « c’est mieux maintenant ». Je ne veux pas paraître comme un vieux réac et un donneur de leçon. On vit dans des sociétés ultra-favorisées, mais qui sont habitées par un sentiment de vide. La technologie qui asservit plus qu’elle ne libère, le besoin de retour au paradis perdu… C’est cette pensée-là qui sous-tend l’album.

Vous êtes nostalgique de l’adolescence ?

Non. C’est plus de la mélancolie que de la nostalgie. L’adolescent éprouve de l’anxiété par rapport au monde. Mais quand il écoute de la musique vitale, il ressent une émotion qui est dure à retrouver au fur et mesure que l’on avance dans le temps.

« Nick Cave, je me le suis pris en pleine face en faisant la queue au réfectoire ! »

Pourquoi cette chanson sur le boxeur Muhammad Ali ?

Ali était un petit Black du sud des Etats Unis qui a vécu son destin à la force de ses poings. Il était une super figure tutélaire. J’ai lu un bouquin qui expliquait que la confiance en soi se crée à travers ses modèles. C’est ce qui nous donne envie de faire quelque chose.

Qui sont vos modèles ?

Ceux qui nous donné envie de marier Dylan ou Neil Young avec des textes français un peu classes. A 15 ans, j’écoutais Morrison Hotel des Doors en boucle et en beuglant. Après, il y a eu Noir Désir, les Pixies, Nick Cave… Lui, je me le suis pris en pleine face en faisant la queue au réfectoire ! J’ai écouté Henry’s Dream, je me suis dit : « toi et moi, on va être copains ! » Et c’était pour la vie.

La Maison Tellier + Le Facteur sauvage. Vendredi 4 octobre, 21h00. Cave à Musique de Mâcon. 16/8 €.

Leur premier concert à la Cave

La Cave à Musique de Mâcon reste un lieu privilégié pour la Maison Tellier. « C’était notre premier concert hors de Rouen, en 2007 en première partie d’Herman Dune, se souvient Helmut Tellier. On avait loué un camion, on était dans une excitation pas possible ! »

Dark Mazy

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