L’attachiant Liam Gallagher revient de loin avec un album à son image. Les Who ressortent de la nuit des temps et The Paranoyds ressuscitent l’esprit riot grrrl. Nick Cave lui, dialogue avec les fantômes sur un pur chef d’œuvre crépusculaire.
Liam Gallagher. Why me ? Why Not (Warner)
« Blaïng !» En un coup de gratte, Liam Gallagher pose le sujet, façon vieux blues du fond du bois, harmonica cyclonique et guitares tous riffs dehors. Ouverture tonitruante et premier pic d’un album en forme de montagnes russes. Why me ? Why not enchaîne montées d’adrénaline (Shockwave déjà cité, Be Still notre préféré), ballades acoustiques et plages psychédéliques au pas de charge. Tout cela encordé à des orchestrations grand luxe qui s’accordent avec la voix nasillarde et la morgue caractéristique du mauvais garçon.
Les mélodies impeccables en réfèrent encore et toujours à la matrice Beatles, ou plus exactement au père Lennon (parfois, comme sur Alright Now, on jurerait…), même si ce recours systématique peut aussi servir de cache-misère lorsque l’album accuse de sérieux coups de mou. Cyclothymique, rageux, ombrageux, flamboyant, à l’image du plus attachiant des frères pétard de feu-Oasis.
The Who. All this music must fade & Ball and chain (Polydor)
Si Liam Gallagher revient de loin, les Who viennent carrément « d’un temps que vous ne pouvez pas connaître », dixit Pete Townshend. Le guitariste incassable et le chanteur Roger « behind blue eyes & bouclettes » Daltrey reforment l’un des groupes indispensables du rock anglais. Moins la rythmique historique, Keith Moon et John Entwistle excusés pour cause de décès. Plus Zak Starkey le fils de Ringo Star à la batterie, Simon Townshend le frère de l’autre à la guitare aussi, et l’immense (2,03 m) Pino Palladino à la basse.
Sobrement intitulé « Who », le nouvel album est annoncé début décembre. La production vient de lâcher deux singles en amuse-gueules. Bonne idée ? Les synthés moches en ouverture de All this music must fade en feront fuir plus d’un. D’autres ne verront dans ces ateliers pour seniors, que l’ombre de « qui » vous savez.
Mais on s’y fait vite. La guitare de Townshend sonne comme au bon vieux temps de sa Generation et la voix de Daltrey n’a rien perdu de son éclat. Si bien que le deuxième titre, Ball and chain, une tuerie de groove rock surpuissant sur la prison de Guantanamo nous lève du fauteuil. Ces revenants-là nous avaient manqué.
Nick Cave & The Bad Seeds. Ghosteen (Awalt/Kobalt)
Depuis la mort tragique de son fils Arthur en 2015, Nick Cave dialogue avec les fantômes, particulièrement avec ce spectre adolescent (ghosteen) qui ne cesse de le hanter. Ghosteen est son (double) disque de deuil et pour tout dire un chef d’œuvre. Depuis quelque temps déjà, ses fidèles Bad Seeds ont rengainé leur rock à guitares. Nick Cave suit le cheminement emprunté sur les précédents Push the sky away (2013) et Skeleton Tree (2016), en s’approchant chaque fois un peu plus près de l’au-delà.
Ici, battement de semelle, ni rengaine auxquelles se raccrocher, mais une litanie envoûtante, une transe lancinante, des cordes, des chœurs et des claviers en forme d’écrin somptueux pour le chant sépulcral du père meurtri. Lugubre ? Jamais de la mort ! En exorcisant ses démons et en tutoyant les anges, Ghosteen est le plus beau geste d’amour que Nick Cave pouvait offrir à son fils. Il atteint une perfection dans l’ascèse qui rappelle celle du Johnny Cash crépusculaire, lorsqu’il reprenait Mercy Seat… d’un certain Nick Cave. « I’m not afraid to die » qu’ils disaient.
The Paranoyds. Carnage Bargain (Suicide Squeeze/Differ-ant)
Allez, retour sur terre et au rock’n’roll. Et un premier album qui dégage pour ce quatuor (trois filles, un garçon) fraîchement débarqué de Los Angeles. Rien de neuf sous le soleil de Californie. The Paranoyds brûlent vite fait bien fait un concentré hautement inflammable de punk, surf, et pop acidulée. Mais elles le font avec une vista qui laisse sur place la plupart des groupes du genre. Une rythmique cavaleuse, des guitares dans tous les sens et des voix féminines en canon. On pense un peu aux Breeders, plus encore aux rock’n’pétroleuses de L7, Hole ou Veruca Salt. The Paranoyds ressuscitent es riot grrrls comme on les nommait au début des 90’s. Chic alors.