Dandy rockeur, humoriste à froid, musicien impressionniste d’un monde en péril ? Qui est cet artiste énigmatique et multiforme ? Dialogue à la caisse du supermarché avec Bertrand Belin, avant les concerts des 5 et 6 novembre au Théâtre de Bourg-en-Bresse.
« Allo, Bertrand Belin ?» On le géolocalise un samedi d’octobre en fin d’après-midi dans une petite ville proche de Bourges, dans un supermarché où il effectue quelques emplettes avant le concert du soir. « J’arrive en caisse… J’ai acheté des piles, des lacets et du cirage ». Belin tel qu’en lui-même à la ville comme à la scène : décalé et pince-sans-rire.
Marrant… Marrant comment ?
Dandy rockeur, selon l’étiquette qui lui colle aux chaussures ? « Si les gens m’imaginent comme ça, je ne peux pas leur en empêcher. Ça ne me dérange pas, mais je ne vois pas ce que j’ai affaire avec le dandysme ». La voix de crooner, le spleen, le côté smart distancié peut-être ? « Non, non. Si j’ai l’air distant, je le regrette ».
Confirmation sur scène, lorsque ce gagman « poker face » se lance dans un pas de danse étrange, quelque part entre moon walk et twist au ralenti. Ou quand il intercale des sketchs hilarants entre ses chansons. Au début, le public qui ne parle pas le Belin couramment, se demande comment le prendre, avant de rentrer dans le jeu du second degré et de rigoler plus que prévu. Humoriste à froid ? Marrant ? « Oui, peut-être. J’ai toujours été comme ça. Je n’ai pas le côté austère que l’on peut me prêter ».
« Des aventures humaines avant d’être des rencontres artistiques »
Qui est le véritable « persona » – titre du dernier album en date – de cet artiste multiforme : auteur-compositeur-interprète, romancier, comédien, compositeur de BO… Musicien aux collaborations multiples, des Sons of the Desert à Barbara Carlotti en passant par Camélia Jordana, Nosfell, JP Nataf ou The Limiñanas.
Le fil rouge entre ces activités, tous ces gens ? « L’écriture. Quand on nourrit une passion pour la musique, on conçoit de l’intérêt pour l’art de ses confrères. Pas étonnant que l’on vienne à collaborer. Ce sont des aventures humaines avant d’être des rencontres artistiques. Des liens se construisent en fonction d’affinités, d’affections et de regards comparables ».
The Liminanas ? « Des amis. On s’est rencontré en Australie dans un festival. On était comme des ados en vacances scolaires dans un camping !»
Barbara Carlotti qui lui ressemble tant ? « Nos musiques sont complémentaires. On se connait depuis quinze ans. On est tout de suite en accord sur une musique ou sur un thème. Ça montre qu’on a un lien ».
« Un citoyen plongé dans le monde tel qu’il est »
Ce sont ces fils invisibles, ces émotions partagées, qui tissent les chansons de l’énigmatique M. Belin. Dans leur logique imperméable, les tenants du couplet-refrain diront encore qu’ils ne comprennent rien à Persona, à ces histoires d’ours qui fume et à ces scansions en boucle. « Je n’ai rien à leur répondre, regrette l’intéressé. J’écris comme n’importe qui, avec le désir d’être compris. Ce n’est pas du collage et du n’importe quoi ».
Là où la plupart chroniquent, expliquent et pointe Bertrand Belin pointille, suggère et impressionne, dans le sens pictural du terme. « Je vis l’imprégnation du citoyen plongé dans le monde tel qu’il est. Je ne vais pas écrire une chanson sur Facebook ou sur l’écologie. Ce sont plus des impressions, à partir de thèmes qui s’imposent à moi ».
A mots choisis, Persona parle de déclassement social, des traversées migratoires, de la guerre, de la bêtise humaine (« je ne m’exclus pas »), ou des héros modernes face aux situations de péril. « La plupart sont liées à l’isolement qui engendre une perception du monde en classes ». Loin, très loin du dandy rockeur.
Couleur Nuits bleues
« C’est une façon de faire entrer ces sujets en résonance avec la musique, résume Bertrand Belin en réglant ses piles, son cirage et sa paire de lacets. La couleur ? Nuits bleues, chanson-phare de l’album, qui rappelle nécessairement le Bleu pétrole de Bashung. A force d’évidence, la comparaison devient-elle agaçante ? « C’est vrai que Persona est plutôt urbain et nocturne. Non, la référence à Bashung ne m’agace pas. Mais je n’irai pas jusqu’à la revendiquer ».
Deux concerts, une radio
Accompagné par le quatuor de sa tournée, Bertrand Belin promet » deux concerts de rock « , mardi 5, mercredi 6 novembre 20 heures au Théâtre de Bourg-en-Bresse (22/18/10 €). Il répondra aussi en direct aux auditeurs de Radio B et au public, mercredi, 18 heures à la MJC de Bourg, mais ne lira pas, faute de temps, des extraits de son dernier roman « Grands carnivores » comme prévu initialement. Gratuit, réservation conseillée. Contacts : 04 74 50 40 00 https://www.theatre-bourg.fr