L’Épée en tournée : « Pire que des ados en camping !»

Emmanuelle Seigner + Anton Newcombe (Brian Jonestone Massacre) + The Limiñanas = L’Épée. Le vrai faux supergroupe de rock garage gare son van le 17 décembre à l’Épicerie moderne de Feyzin. Le Velvet, le riff et la transe, le tour bus et les sandwichs triangulaires. Lionel Limiñana décrypte la Diabolique énigme.
/Photo Richard DUMAS

Devinette. Ma première est une actrice qui chante. Indices : J’accuse, Ultra Orange.

Mon deuxième est un musicien américain borderline, auteur, compositeur, interprète et producteur de rock farouchement indépendant. Indices : Brian Jones, temple solaire.

Mon troisième est le couple de Cabestany (à côté de Perpignan) le plus rock’n’roll du monde. Indices : garage, psychédélisme, Velvet, yéyé.

Mon tout est une arme à double tranchant et un groupe de rock incandescent. Indices : Épicerie moderne, le 17 décembre.

Réponse : Emmanuelle Seigner + Anton Newcombe (Brian Jonestone Massacre) + The Limiñanas = L’Épée.

L’Épée, supergroupe ?

Non. L’idée de gens connus qui se réunissent juste pour monter un groupe ne m’intéresse pas. On a pris le truc à l’envers. Emmanuelle avait déjà chanté sur Shadow People, notre dernier album qu’Anton avait produit. Elle avait adoré. Elle est revenue nous voir. On a bossé ensemble sur des chansons que l’on a maquettées chez moi. Ça nous a plu. Hyper-facile à composer, un vrai plaisir. L’objectif était de faire un album pour elle. On est allé à Berlin pour qu’Anton le mixe dans son studio. C’est lui qui a pensé faire un groupe. Du coup, ce n’était plus Emmanuelle Seigner solo. Mais elle s’en foutait complètement.

Pourquoi L’Épée, qui tranche et anoblit à la fois ?

C’est encore Anton qui a trouvé le nom, à la suite d’un rêve… Pour lui, c’était un mot qui sonnait bien en Français. Je t’avouerai franchement qu’on n’était pas spécialement emballé. Mais 24 heures après, on s’était habitué.

 » Le Velvet, les Stooges, Alan Vega… Ces gens-là ont chamboulé nos vies  »

En quoi l’album est-il « Diabolique » ?

En rien ! Il faut plutôt le voir comme un clin d’œil au cinéma bis italien. La plupart des chansons racontent une petite histoire écrite pour une fille, un peu comme les films à sketches à l’italienne.

Il sonne en revanche très Velvet Undergound…

Ce n’était pas prémédité, on a grandi avec. On est des musiciens ultra-limités. On a accroché tout de suite à cette musique basique sur trois accords, avec toujours cette idée d’associer le riff et la transe. On est loin du rock progressif ! Notre discothèque est blindée de groupes garage des années 60, 70 : le Velvet, Lou Reed, les Cramps, les Stooges, les New-York Dolls, Alan Vega… Ces gens-là ont chamboulé nos vies.

Y aurait-il une pointe de nostalgie dans L’Épée ?

Non, du tout. Le but n’est pas de sonner comme un groupe revival 60’s. On fait les chansons qu’on a envie d’écouter, nous. La différence, c’est que là, il fallait imaginer le disque pour Emmanuelle. Ce qui nous a mis la pression. C’était vachement important que ça lui plaise.

Le cinquième élément, c’est Bertrand Belin. Comment vous êtes-vous réparti les tâches ?

Il a écrit trois titres (Lou, On dansait avec elle, Grande) et moi le reste. On ne lui a pas parlé. Il s’est basé sur ce qu’il savait d’Emmanuelle. Il savait surtout ce qu’elle ne voulait pas faire : un disque lisse, nettoyé.

On vous fait confiance ! Quand Bertrand Belin raconte votre rencontre, il parle d’ados en camping…

Il a trop raison ! On s’est rencontré sur un festival en Australie. On devait y aller en bus. De l’aéroport, on a mis 10 000 ans pour arriver. Ce qui nous a laissé le temps de boire des bières et de rigoler. On est arrivé deux heures avant le concert, après s’être mangé le décalage horaire ! Ados en campings… C’est même pire !

Question colonie de vacances, vous voilà repartis en tournée avec L’Épée. Emmanuelle Seigner a déclaré récemment « adorer la vie en tournée dans le van ». Elle préférerait même « manger des sandwichs triangulaires avec le groupe que d’être au festival de Cannes !»

On peut peut-être éviter les sandwichs triangulaires et s’arrêter dans un bar… Mais oui, on fait de la musique pour les bonnes raisons. Dont les tours bus.

L’Épée + Abschaum. Mardi 17 décembre, 20h30. Épicerie moderne de Feyzin. 16/18/20 €.

Les Sly & The Family Stone du rock garage

A Cabestany (66) The Limiñanas canal historique, c’est Marie et Lionel Limiñana. Couple partageux. « On compose tout à deux, mais on est toujours pleins sur scène ». Un peu comme leurs modèles de compositeurs solitaires : Nick Cave, Pascal Comelade ou… Anton Newcombe pour qui ils ont déjà assuré la première partie de Brian Jonestone Massacre. L’Épée aligne pas moins de huit fines lames sur scène entre Emmanuelle Seigner au chant, Marie Limiñana à la batterie, Lionel Limiñana et Anton Newcombe à la guitare et au chant, une basse, un clavier, des chœurs et encore des guitares ! Celle d’Anton change la donne. « Il fait un truc qu’on ne sait pas faire : jouer lentement en gardant le tempo ». Transe électrique, mur du son et gros bazar sur scène. « On est un peu les Sly & The Family Stone du rock garage !» rigole Lionel.

La beauté du diable

/Photo DR

Des guitares aigrelettes, une rythmique martiale, un tambourin, des essences orientales, des hallucinations psychédéliques et des riffs répétitifs jusqu’à la transe… Le Velvet, Underground bien sûr. Impossible de ne pas voir le Lou (cité dès le deuxième titre) et ses fantômes blafards dès l’entame du premier album de L’Épée. D’autant qu’Emmanuelle Seigner – VUe en Vénus à la fourrure au cinéma et sur son album Distant Lover – incarne une Nico très crédible, en dépit d’un accent frenchy irrécupérable sur les titres en Anglais.

Le Velvet donc, mais aussi Suicide (Ghost Rider) ou Syd Barret, une pincée de surf morriconien, un zeste de shoegazing façon Jesus & Mary Chain, les yéyés de Gainsbourg… Avec son arsenal de fuzz et de réverbes, Diabolique multiplie ainsi citations et clins d’œil sans pour autant sonner « à la manière de ».

L’Épée tire sa singularité d’une absence totale de calculs. « On bidouille des trucs avec Marie, explique Lionel Limiñana. On fait ce qu’on veut sans respecter les dogmes. Pour le plaisir ». Ce plaisir qui nous submerge à l’écoute d’un disque séduisant en diable.

L’Épée. Diabolique (Because Music).

Dark Mazy

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