« Pourquoi Nico Sarro n’a pas percé ? interroge face caméra Damien C. musicien dans une vie d’avant. Pourquoi est-il devenu l’artiste maudit du rock français alors qu’il aurait dû en être le joyau ?» Rien que ça ? Un peu. Allez, on refait le match.
Au début des années 2000, le jeune Bressan peut ambitionner raisonnablement de devenir Jeff Buckley à la place de Thom Yorke (Radiohead), pour citer deux de ses influences majeures. Sa voix à la fois ample et poignante porte des compos entre chien et loup, chanson rock et ballade folkeuse, pop fiévreuse et métal rageur.
Björk ne s’y trompe pas. En 2005, l’elfe islandaise laisse au Bressan et à son complice JMZ (Jean-Michel Zanetti, musicien, producteur, compositeur de la région lyonnaise) le soin de remixer l’un de ses titres, Army of me. La reprise façon métal figure sur l’album Army of mixes publié au profit de l’UNICEF suite à un tsunami en Asie. Autre fait d’arme, le duo cosigne pour TF1 le titre générique de la série Heroes.
C’est l’époque où Nico fonde le trio Sarro avec Damien C. Coltice à la basse et Félix Moronnoz à la batterie. Le groupe livre des lives mémorables, comme celui de la Tannerie en 2007, en première partie de Kaolin. La même année, il sort son premier album, Redresser l’échine, sur lequel figure un T’es qui là (Tekila) addictif.
Le cul entre deux chaises
Réalisé par Stéphane Prin (Jean-Louis Murat, Camille, Noir Désir…) le deuxième opus confirme ces excellentes dispositions. Miss Monde (2013) est un album fort, séduisant, chaleureux et attachant, avions-nous chroniqué. « Il faut du temps pour apprivoiser ces chansons pas vraiment chansons, ni rock, ni ballades et bien plus encore ». « On est le cul entre deux chaises assume Sarro. Pour nous, ce n’est pas péjoratif, au contraire. Notre grand malheur, c’est qu’on ne rentre dans aucune case ».
Grand malheur effectivement. L’industrie du disque préfère des artistes plus consensuels à ce franc-tireur farouche. Le très indépendant Sarro ne se vend pas dans tous les sens du terme, et en paie le prix fort. Il disparait peu à peu des radars, fait bouillir la marmite en faisant le producteur et le prof de musique. Pour le fun, il assure encore quelques sets acoustiques en solitaire, manière de montrer qu’il n’a pas perdu la main, ni sa voix fabuleuse, ni sa fragilité d’ange déchu.
Une chanson en un jour ou par semaine
Peut-il remonter sur son nuage ? Plusieurs projets le laissent à penser. Tel REEal, de belles chansons « biofolk » produites par Stéphane Prin. Ou A certain songwriting mené avec JMPZ, avec pour challenge de composer et d’enregistrer une chanson en un jour.
Le pari proposé par Damien Coltice et sa boîte de production Grace Prod est du même calibre. Nom de code : #entoijevoisdemain. Objectif : diffuser sur Youtube, « un titre brut, sans cut, sans fard. Trois minutes live, rock, honnête, sincère, sans vocoder sur une note un peu fausse ». Opération reconquête adoubée par l’association Music Covers & Creations qui regroupe un demi-million de membres sur Facebook.
Maudit ou pas, l’artiste accepte de se prêter au jeu. Depuis le 23 novembre, chaque samedi pendant 52 semaines, il interprète la compo ou la reprise qui lui chante.
Who wants to live forever
Bingo ! Le 13 février, la cover de Queen Who wants to live forever fait un carton. Disponible sur Facebook, la vidéo totalise plus de 100 000 vues en quelques jours.
https://www.facebook.com/musiccoversandcreations/videos/231604174687783/?v=231604174687783
En clair-obscur, stachemou et petit chapeau, Nico Sarro convoque le fantôme de Freddy Mercury en une ballade déchirante. Juste quelques arpèges de guitare et une complainte qui s’élève au firmament. A revoir en vrai tout bientôt, enfin, sur une scène qui donne la pleine mesure du personnage.