Le protocole sanitaire anti-Covid proscrit les concerts debout et rend improbable la rentrée de septembre. Que faire ? Qui y croit, qui n’y croit plus, qui s’adapte ? Réactions différenciées selon les salles de musiques actuelles.
« La rentrée ? Quelle rentrée ? Il n’y aura pas de rentrée !» tranche Cyrille Bonin. Le directeur du Transbordeur de Villeurbanne ne prend ni masque ni pincette pour évoquer la réouverture des salles de concerts en configuration debout.
« On va faire faillite, c’est tout »
« Qui peut espérer un assouplissement des mesures sanitaires ? poursuit Cyrille Bonin. Si un endroit représente un cluster potentiel, c’est bien celui-ci ! Il serait naïf et un peu irresponsable de penser que les concerts debout vont reprendre comme avant. Ils seront annulés les uns après les autres ».
Que faire ? « Rien. On va faire faillite, c’est tout. Les mesures de chômage partiel et les prêts garantis vont nous permettre de tenir quelques mois. Mais après ? On est des privés. Nous, on ne touche pas subventions. Je ne vois pas de solution ».
« Droit dans mes bottes »
Avis diamétralement opposé chez Victor Bosch, le patron du Radiant-Bellevue de Caluire. « J’espère que ça va ouvrir. Moi, je reste droit dans mes bottes jusqu’au dernier moment. Tout dépendra du positionnement du gouvernement : est-ce qu’il sera couillu ou pas ?».
Même s’il incite « tout le monde à se protéger », ce farouche affranchi croit plus à « une étincelette » qu’à une deuxième vague de Covid. Foi du charbonnier ou coup de poker ? Le 25 juin, Victor Bosch fut l’un des seuls à assurer – à vélo, symbole de liberté – une vraie présentation de saison, devant un vrai public.
En 2020/2021, il prévoit une programmation dense et riche de têtes d’affiche où se mêlent chanson, musiques, humour, danse, cirque ou théâtre. Tout cela subventionné à hauteur de 30% pour un budget de 3 M€ (dont 750 000 € de la ville de Caluire), avec une configuration assis/debout modulable, distanciable et masquable. De quoi effectivement inciter à l’optimisme.
Comme un hamster dans sa roue
Les salles de musiques actuelles » elles, sont nettement moins sereines. Depuis le confinement, elles jonglent à l’aveugle avec les annulations et les reports de reports. Exemple : la Tannerie de Bourg-en-Bresse a reprogrammé les Wampas le 27 mars 2021, concert initialement prévu le 14 mars 2020, décalé une première fois au 26 septembre. « Ça devient super compliqué. On risque l’effet domino si les dates se chevauchent » craint le directeur Gilles Garrigos un peu las.
Etat d’esprit partagé sur FB par la programmatrice Ann Huiton, qui poste un hamster en train de pédaler dans sa roue !
Peyot le régisseur, lui, a quadrillé la grande salle en configuration debout en respectant la règle des 4m2 par personne. Simulation parlante…La Tannerie pourrait ainsi accueillir 37 chanceux sur une capacité de 450 !
» Qu’on nous dise enfin si on peut rouvrir ! »
« Nous ce serait 14 pour une jauge de 400 ! calcule Didier Goiffon, le directeur de la Cave à Musique de Mâcon. Artistiquement, économiquement, le protocole sanitaire nous interdit d’ouvrir en configuration debout. Il faut qu’on nous dise enfin si on peut rouvrir, dans quelles conditions, et qu’est-ce qui se passe sinon » Tel est le sens de la lettre ouverte que viennent d’adresser au gouvernement des professionnels « accablés, abandonnés, méprisés » (Voir Rockenblog https://www.rockenblog.fr/2020/07/23/concerts-debout-tous-contre-la-mise-a-genou-de-la-musique/). Résultat ? Pour l’instant, zéro.
Dans ces conditions, personne ne se hasarde à annoncer une programmation, ou alors en simple déclaration d’intention. Ainsi le communiqué du Moulin de Brainans. « Dans l’attente d’une annonce du gouvernement, nous avons pris malgré tout la décision de vous annoncer les concerts que nous avons programmé pour la rentrée mais nous ne mettrons pas en vente les billets de ces concerts pour le moment ».
Rentrée il y aura !
Alors que faire ? « Rouvrir le lieu, absolument » répond Amélie Chabanis. La responsable de la communication et des partenariats privés à l’Epicerie moderne de Feyzin résume la position tenue par la plupart des salles de musiques actuelles. « Il y aura une programmation à l’automne. Elle est prête. En fonction des mesures sanitaires, on réadaptera. Mais rentrée il y aura ».
L’idée serait de « mettre le lieu à disposition des artistes, et de faire revenir le public en douceur ». Réouverture des locaux de répétition, résidences, accompagnement artistique, apéro-concerts, concerts chez l’habitant… Ces dernières semaines, les salles ont multiplié les initiatives et continueront ainsi d’occuper le terrain.
Mais pour combien de temps ? Aussi nécessaire soit-elle, l’action culturelle ne remplace pas la diffusion. Amélie Chabanis : « Ça tient pour un trimestre de relance. Le dernier. Après, économiquement ce n’est pas viable ».
Liens
Cave à musique de Mâcon. https://www.cavazik.org/
Épicerie moderne de Feyzin. http://www.epiceriemoderne.com/
Moulin Brainans. http://www.moulindebrainans.com/
Radiant-Bellevue de Caluire. https://www.radiant-bellevue.fr/
Tannerie de Bourg. https://www.la-tannerie.com/
Transbordeur de Villeurbanne. http://www.transbordeur.fr/