AC/DC, Springsteen, Dylan : trois albums, avec nos meilleurs vieux !

Trois nouveaux albums comme autant de phares dans la nuit. Trois coups de maîtres, trois visions du temps qui passe. AC/DC l’arrête, Springsteen le remonte, Dylan le raconte. Chroniques du crépuscule.   

Puisque les salles de concerts ont disparu des radars – à se demander si Jean Castex sait qu’elles ont existé naguère – nous reste le petit bonheur confiné d’écouter de nouveaux albums. En streaming et en vidéo, puisque les quelques disquaires réfractaires ne sont pas plus essentiels que les libraires. Et surtout, en respectant bien les gestes barrières. Supposons qu’une étude démontre que battre de la semelle en rythme facilite la propagation du virus, hein ?…

Nouveaux albums, ou pas. En ces temps de roulis, n’a-t-on pas a besoin de s’accrocher à de solides bites, d’amarrage ? De se laisser guider au port par des phares dans la nuit, comme dirait le poète/poète Mélenchon ? Ben si. Ci-joint la playlist de nos meilleurs vieux.

AC/DC. Power Up

Chroniques albums. ACDC Power Up
/Photo DR

Six ans après le dispensable Rock or Bust, quarante-deux après le séminal Powerage, AC/DC remet la sauce. Power Up donc, pour ces adeptes de l’électricité et de la lubricité réunies.

Le guitariste en chef Angus Young a ici rebranché le canal historique : Brian Johnson au chant, les revenants Cliff Williams à la basse, Phil Rudd à la batterie, et le jeunot du clan Young, Stevie. Lequel a repris la guitare rythmique à son oncle Malcom, parti en novembre 2017.

Non seulement cet album lui rend hommage, mais le décédé d’Acedèce l’habite littéralement. On pouvait craindre le pire d’un groupe usé par le temps, éprouvé par la mort, la surdité du chanteur ou les faits divers toxiques du batteur. Mais c’est bien l’un de ses meilleurs albums que livre un AC/DC pur jus, comme si ses disparus le régénéraient : Bon Scott avec Back in Black, Malcom Young aujourd’hui avec Power Up.

Les chercheurs se pencheront peut-être un jour sur ce cas unique de métempsychose. Les millions de fans de l’insubmersible australien eux, retrouvent tout ce qui fait son essence : les riffs qui giclent et la rythmique métronomique, les soli découpés au rasoir et ces refrains à reprendre au briquet, ces boogies-blues de l’enfer et ce groove so sexy… En trente-six minutes, tout est dit du rock’n’roll. Rien de neuf, mais qu’est-ce que c’est bon !

https://highwaytoacdc.com/

Bruce Springteen. Letter to you

Chroniques albums. Bruce Springsteen Letter to you
/Photo DR

Entre le saxophoniste monumental Clarence Clemons ou l’organiste Danny « fantôme » Federici, la faucheuse n’a pas épargné non plus la garde rapprochée du Boss. D’où ce 20ème album quasiment mémoriel. Pour affronter le temps qui passe, Springsteen n’a pas trouvé de mieux que le remonter. Retour vers le futur du rock’n’roll, (le surnom du Springsteeen jeune) en quelque sorte. Letter to you convoque (une dernière fois ?) le E Street Band comme au commencement, comme si ces vieux pirates retrouvaient la joie primitive de courir dans les allées d’Ashbury Park. Born to Run un jour, Born to Run toujours.

On s’y croirait. Le lyrisme échevelé, les ballades sous la lune, les trimards de l’Amérique, les hymnes de stades, le gros son et ces nappes de synthés chantilly sortis tout droit des années 70/80. Pour être francs, ce n’est pas ce Springsteen musclé et – osons – pompier, que l’on aime. Fantômes pour fantômes, on préfère The Ghost of Tom Joad. Sur la magnifique ouverture et sur deux ou trois titres façon Dylan/harmonica, le Bruce s’approche de ses albums les plus frissonnants. Mais là n’est pas, n’est plus, le propos de cette ultime cavale qui fait penser aux westerns crépusculaires de Clint Eastwood. Impitoyable.

https://brucespringsteen.net/

Bob Dylan. Rough and Rowdy Ways

Chroniques albums. Bob Dylan Rough & rowdy ways
/Photo DR

Plutôt que de l’arrêter (AC/DC) ou le remonter (Springsteen), Dylan se contente de raconter le temps qui fuit avec sa verve narquoise de poète philosophe. Pas utile de cautionner la versatilité d’un génie agaçant. Même si ça aide, pas besoin non plus de parler la langue de Secoue-la-Poire pour sentir la puissance atomique de l’artiste.

Ce meilleur vieux parle bien sûr de ses chers disparus, et de tous ceux qui ont jalonné sa vie, de William Blake aux Stones en passant par Jimmy Reed, Al Pacino ou JF. Kennedy. Une anthologie de la pop culture à l’œuvre sur la dernière pièce – il serait réducteur de parler de « morceau » – Murder Most Foul. Sur ce psaume de dix-sept minutes, Dylan passe en revue soixante ans d’actualités depuis l’attentat de Dallas. Comme on revoit les choses de sa vie à l’orée de la mort ? Aussi trompeur que ce False Prophet qu’il n’a de cesse de moquer.

Entre blues électrique (son dada), valses lentes, country enjouée ou ballades folkeuses, avec ces façons brutes et turbulentes (rough and rowdy ways) mais toujours frappées du sceau de l’élégance, le gentleman dandy livre l’un de ses plus grands disques, dans la veine de, euh… disons Highway 61 Revisited (1965). 55 ans (!) plus tard, il n’a jamais semblé aussi affûté, joueur et pertinent. En un mot essentiel. Dylan devrait rester ouvert, même le dimanche.

https://www.bobdylan-fr.com/

https://www.facebook.com/bobdylan/

Dark Mazy

2 réflexions sur « AC/DC, Springsteen, Dylan : trois albums, avec nos meilleurs vieux ! »

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