Arnaud Colignon, môme des bords de Veyle, fan de Brel, Gainsbourg et Bashung, artiste buissonnier à l’écart de la modernité, amoureux des mots et du vivant. En attendant de les jouer, il écrit ses Chansons d’amour en homme apaisé mais indigné.
« Je suis Amish, je suis un Apache. Je saisis la lampe à huile pour éclairer le chemin ». En quelques mots choisis, Arnaud Colignon tire son portrait et sa révérence, définitivement à l’écart de la surexposition. L’Indien réfractaire n’a pas choisi le sentier de la guerre, bien au contraire. Chansons d’amour s’intitule son dernier recueil.
« C’est beau les mots »
Dans son monde d’avant, le môme des bords de Veyle, le fan de Brel, Gainsbourg ou Bashung, avait épousé des méandres plus tortueux. En solitudes, titrait sa création de 2014. « J’ai vécu des périodes assez tourmentées. Je l’ai chanté sur tous les toits. Le cynisme, la sinistrose j’ai déjà fait. Aujourd’hui, j’aspire à une forme d’apaisement. Dire les choses avec beauté et poésie. C’est beau les mots… »
Arnaud Colignon, poète esthète, peinard dans ses pénates de Serrières-sur-Ain ? Tout faux, tant la démarche requiert ouverture et engagement. « Il n’est pas simple d’écrire en étant tourné vers le champ des possibles. Il est difficile d’aimer. Mais c’est la seule voie qu’on a ».
Amour physique et biologique
Ses Chansons d’amour sont autant d’élans vers l’Autre que de pieds-de-nez à la modernité. Elles peuvent s’entendre au sens physique, empathique, mais aussi biologique. « L’amour, c’est aussi celui de la nature et du vivant qui nous rappellent la position de l’humain dans l’écosystème : un élément parmi tant d’autres, une incitation à arrêter cette course au toujours plus vite. De quel progrès parle-t-on ? Si c’est pour accélérer les cadences et détruire encore plus, non merci ! Je le dis sans héroïsme, je fais partie du lot. Mais j’assume ma qualité d’homme de passage ». Un homme apaisé mais indigné. « J’avoue avoir du mal avec le climat de violence actuel, notamment quand elle émane de ceux qui nous dirigent. On essore les gens. On se malmène ».
Ni studio, ni vidéo
Arnaud Colignon a ainsi écrit et composé dix-huit textes qu’il chante seul avec ses trois guitares, électrique, classique et électroacoustique. Couleur : chanson-rock, un peu balladeuse et latino. Le fidèle Nicolas Goyon assure la mise en son et en lumières.
Et on les écoute où ces Chansons d’amour ? Pour l’instant nulle part et c’est bien le problème. Ni studio, ni vidéo. « Je me tiens assez éloigné des nouvelles technologies. Plus ami de l’arbre que de l’écran. Je saisis la lampe à huile, pas la lumière de mon smartphone !»
Le confinement a éteint les projecteurs, et reporté la première de sa création le 6 novembre au Zoom de Bourg-en-Bresse ? Arnaud Colignon relativise. « Je suis prof. Pas un intermittent qui a besoin de tourner pour vivre ».
Jouer dans l’instant
Lui, va de plus en plus vers les petites formes propices à la rencontre et à l’échange. Un jour au Rep’r de Bourg-en-Bresse, un autre au Villageois de Saint-Just devant des résidents en situation de handicap, tantôt en « répét’ pirates » avec le guitariste complice Rémi Salaün, tantôt avec le trio Scop. « Ce que j’aime, c’est jouer dans l’instant ». Enregistrer, graver une Œuvre dans le marbre, n’est pas trop son affaire. « L’occasion ne s’est pas présentée, mais ça ne me fâche pas. Si on me pousse à le faire, peut-être. Mais je ne suis pas dans une démarche mercantile, de production ».
« Je me détache, je me dérobe, sans laisser d’auréole » ? Pas plus que Bashung, l’Apache ne laisse trace de son passage.
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