Et Marie Rouxel inventa le Juke-box vivant

Marie Rouxel, brasseuse de cultures, découvreuse de talents, passeuse, faciliteuse et généreuse. La grande Dame est partie au printemps. Ce samedi 6 novembre à la Tannerie de Bourg-en-Bresse, des invités surprise lui adressent un petit clin d’œil en recréant le Juke-box à Marie. Soirée pas triste en perspective...

Juke-box vivant : libre expression inventée par Julos Beaucarne, poète belgo-humaniste récemment disparu.  « Vous ne pouviez pas rentrer dans un bistro sans entendre un juke-box vivant réciter des poèmes de Pindare » (Périclès).  Tilt !« Ah oui, tiens. Si on faisait un juke-box ? Mais un vrai, un juke-box vivant !» C’est ainsi qu’au mitan des années 80 à Bourg, quelques « anargumènes » (©Prevel) vont transformer l’idée en événement mémorable.

Marie Rouxel au Juke-box vivant
Marie Rouxel, excellait à réguler le capharnaüm ambiant de sa cymbale nommée « disjoncteur » /Photo Marc DAZY

Poètes, poètes potaches

En vrac (c’est le mot), citons Dominique Prevel, Rémi Rémo/Gary Garraud, Françoise Cartade, Vincent Chanet, Dédé Cayot, Michel Pichon, Gérard Authelain… Marie Rouxel bien sûr. Fédérés dans l’Asso du même nom, ces fous de Chanson la promeuvent tant qu’ils peuvent. Ambiance socio-cu(l) de l’époque, poètes, poètes potaches et délire total. Dom Prevel se souvient d’une soirée « chanson canaille » (euphémisme) dans l’ancien cinéma porno du Vox ! Rémi Garraud parle encore de la soirée de la flotte, lorsque Titi Aulagnier trempa une heure et demie dans une baignoire, avant de surgir avec deux maquereaux en mains !! Ou du coup de la bite en glace géante qui jamais ne congela !!!

Marie la tisseuse

Marie Rouxel se mettait rarement en scène. Mais en coulisses, c’est toujours elle qui tirait les fils de la pelote. Comme elle les démêlait puis les retissait à l’AGLCA et avec la multitude d’associations, de structures, d’artistes et de citoyens qu’elle a accompagnés pendant une quarantaine d’années. A Asso Chanson, elle écoutait les suggestions les plus farfelues, quand elle ne les soufflait pas à ses petits camarades. Sa force était de les rendre possibles. Comme des artistes assemblent des mots, des notes ou façonnent la matière, Marie la tisseuse composait des projets, des idées que le commun des mortels avait du mal à concrétiser.

Contre-emplois et peoples de tout poil

Donc le Juke-Box vivant, LA création, voire la créature, de Marie Rouxel. Le principe ? Des candidats proposent une liste de chansons aux enchères. Le public vote pour un titre, sans connaître l’interprète. Foire d’empoigne et surprises, surprises garanties.

Et Marie Rouxel inventa le Juke-box vivant. Le public
/Photo Marc DAZY

Une fois par an sur trois décennies, défilent sur scène les fins diseurs du cru dans des reprises à contre-emploi. Genre, Prevel dans une cover de Dominique (nique, nique…) assez loin de la version originale de Sœur Sourire… Ou Tout va très bien Madame la Marquise par Vincent Chanet et la clique de Saint-Didier-d’Aussiat pomponnés Grand Siècle. Ou encore Didier Barraud, vu et apprécié chaque année « parce que quand il est sur scène, y a moins de bruit à la buvette !»

S’y risquent aussi des « people » de tout poil aux messages subliminaux. Tel l’ancien adjoint à la culture Jean-Paul Rodet détournant « T’en fais pas, la mairie, j’reviendrai !» au lendemain d’une défaite électorale. Ou le directeur de la SACEM qui confie « Je veux être un homme heureux ».

Le Grand Soir des anonymes

Et Marie Rouxel inventa le Juke-box vivant. Dominique
Dominique, l’une des révélations du Juke-box/Photo Marc DAZY

Il y a aussi et surtout tous ces anonymes, artistes d’un soir, leur Grand Soir. Rémi Garraud : « Des gens attendaient le juke-box pendant un an pour chanter une fois. Des groupes se formaient. Des lycéens potassaient leurs morceaux juste pour ce soir-là ». Le pianiste maison François Grinand s’évertuait à chasser le canard, et l’interprétation s’avérait, disons, aléatoire… Mais tout le monde s’en foutait. Si ce Juke-Box ô combien vivant virait souvent à la grosse déconne, il ménageait parfois des moments d’intenses émotions et révélait des talents insoupçonnés. Dominique par exemple, personne différente, et chanteur d’une justesse confondante.

Canette hit

« Un inconnu nous avait fait une reprise de On the road again, raconte Vincent Chanet. Une catastrophe ! A la fin, Alain Gilbert (L’animateur historique du Juke-Box) lui demande : « On the road again, ça veut bien dire Taille la route !? » Le gugusse est revenu l’année suivante, acclamé comme jamais personne ne l’a été !»

Le Juke-Box à Marie

Au milieu du bazar, il y avait son instigatrice : Marie Rouxel. La « patronne » ne résistait pas au bonheur d’y pousser la sienne. Mais elle excellait surtout à réguler le capharnaüm ambiant de sa cymbale nommée « disjoncteur ».

Et Marie Rouxel inventa le Juke-box vivant
/Photo Marc DAZY

Marie Rouxel, brasseuse de cultures, découvreuse de talents, porteuse de projets, passeuse, faciliteuse et généreuse. La grande Dame nous a quittés au printemps. Ce samedi 6 novembre, des invités surprise, proches et complices, artistes ou pas, lui adressent un petit clin d’œil en recréant le Juke-Box à Marie. Moins dans la forme que dans l’esprit, ils revisiteront à leur manière des morceaux qu’elle aimait et qui lui ressemblent : chaleureux et pétillants, intenses et drôles, ouverts à tous les vents d’est et d’ailleurs. Interprétation aléatoire, comme il se doit.    

Le Juke-box à Marie. Samedi 6 novembre, 20h30 à la Tannerie de Bourg-en-Bresse. Gratuit. https://www.la-tannerie.com/.

Dark Mazy

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