Magenta : « Ce que l’on cherche, c’est la fièvre et la fureur !»

Après six ans de silence, les ex-Fauve reviennent en Magenta. Un virage électro pas simple à négocier pour un groupe de culture rock. Mais ils parlent toujours aussi juste du blizzard de leur époque, et donnent tout ce qu’ils ont en concerts sauvages. Entretien avec l’un des anonymes du collectif, avant le passage à la Tannerie de Bourg, le 11 novembre.       

Magenta, c’est pour la bataille, le boulevard, ou la couleur flashie des pistes de danse ?

Un peu les trois. Il y a d’abord la force évocatrice de la bataille. Magenta, c’est aussi un boulevard un peu crado entre Barbès et République, avec beaucoup de voitures. C’est notre camp de base, là où l’on a commencé le projet. Un quartier assez dur avec beaucoup de mixité, très contrasté et varié. Oui, comme la couleur peut-être, ce bleu un peu suant qui tire vers le fuchsia. Mais c’est surtout l’idée de combat, de quelque chose de dur, que l’on retient.

Magenta
Magenta. Des couleurs flashies, aussi anonymes que les casques noirs de Daft Punk, l’une de leurs influences/Photo Gabriel BOYER
Pourquoi avoir sabordé Fauve, alors que ça marchait si bien ?

On ne fait pas un projet pour que « ça marche bien ». La peur de s’installer dans la routine… Fauve, n’a jamais fait deux fois la même chose. Mais on avait fait le tour. Si on avait continué, on se serait vite lassé. Il faut profiter, ne pas pérenniser, ne pas s’habituer. Et puis dans la vraie vie, il est assez naturel que les groupes se séparent pour d’autres aventures.

Et c’est fini, fini ? Magenta ne reprendra pas des titres de Fauve ?

Non, surtout pas ! Nous avons été tellement émerveillés par ce qui s’est passé avec Fauve que pour nous, c’est quasi un mausolée. On ne veut rien faire pour l’abîmer. Comme Aimé Jacquet qui arrête après la coupe du monde ! Fauve a changé de nom et on n’y touchera plus jamais.

« La trance remplace les séances d’hypnose que l’on n’a jamais eues »

Pourquoi êtes-vous partis vers l’électro ?

Il y avait un vide à combler. Petit à petit, on a développé un intérêt pour les machines, replongé dans les albums de Daft Punk, dans cet univers à la fois chaleureux et rugueux. L’électro nous a permis de retrouver un terrain de jeu pour nous amuser, et le challenge de nouvelles musiques à relever.

Pas évident pour un groupe de culture rock …

Non, pas simple. On apprend tous les jours avec modestie. Déjà cinq ans d’apprentissage et il n’est pas terminé ! Mais bon. Nous avons toujours fait de la musique pour qu’elle nous fasse du bien, pour son côté un peu catharsis. On retrouve ça dans la trance. Elle remplace les séances d’hypnose que nous n’avons jamais eues !

Vous savez que le virage électronique de Magenta risque de dérouter ceux qui ne se sont pas retrouvés sur votre premier album, Monochrome ?

Espérons que le live permettra à pas mal de perplexes de comprendre. Ce que l’on cherche, c’est la fièvre et la fureur ! C’était vrai avec Fauve. C’est toujours le cas avec Magenta, avec ce mélange de machines et d’instruments organiques que l’on aime chez LCD Soundsystem, Radiohead ou Talking Heads… Les guitares, les claviers et les boites à rythmes. On espère le meilleur des deux mondes : les boucles de la trance et la chaleur de l’organique.

« Les années passent, je suis plus si jeune. Peut-être pas vieux mais dépassé »

La critique a qualifié Fauve de groupe « générationnel » qui parlait aux vingtenaires dans le « blizzard ». Dix ans après, Magenta s’adresse aux trentenaires blasés ?

On ne s’est jamais posé la question « à qui l’on s’adresse ? » On parle de nos vies de jeunes trentenaires…

« Les années passent, je suis plus si jeune. Peut-être pas vieux mais dépassé » dites-vous dans Boum Bap. C’est le sentiment que vous avez ?

Le sentiment de la perte des repères qui volent en éclat, fait écho chez plein de gens. Les jeunes qui débarquent ont déjà le sentiment d’être dépassés. « Pourquoi tu veux m’mettre un bébé dans les bras ?» comme dit Orelsan. C’est le genre de question que l’on se pose une fois passée la trentaine.

Fatigué ?

Ce titre est arrivé sur le tard. Il s’agit d’une forme d’usure face à la dureté du monde. La finance, les conflits, le covid, Samuel Paty, la question écologique… Il se passe plein de choses un peu folles devant lesquelles nous nous sentons impuissants. Fatigué parle d’un état, des nouvelles ambiantes et de leur surexposition, qui instillent une forme de doute, d’inquiétude profonde et de marasme. Elle rejaillit forcément sur toi. Désolé, mais on n’arrive pas à s’en foutre !

La Tannerie automne 21. Magenta
/Photo Picturesandmotionstudio
Vous vous en sortez mieux en tant qu’artistes ?

Parfois, on se demande si on n’a pas eu un gros coup de bol ! Le problème, c’est de faire autre chose de nos vies.

Magenta sur scène, c’est aussi sauvage que Fauve ?

On est cinq, quasiment les mêmes, quatre musiciens (l’un a souhaité arrêter) et un vidéaste. Notre culture rock est toujours là, même si la forme est plus électro, moins organique. On essaie de donner tout ce qu’on a. Ce genre de concerts, les gens ont oublié à quel point c’était cool !

Magenta + Poltergeist. Jeudi 11 novembre, 19h00, à la Tannerie de Bourg. https://www.la-tannerie.com/

Dark Mazy

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