Albums de l’année, que choisir ? Face à ces playlists « à mettre au pied du sapin » qui dépitent le Père Noël, Rockenblog a concocté un best ouf original et carrément génial. Cela dit en toute modestie et parfaite mauvaise foi, bien entendu.
Sélectionner les dix albums de l’année ? Vu l’infinitude de la production discographique, autant cribler le désert au tamis et le cosmos au peigne fin. Du coup, comme le veut l’époque, Dark Mazy a choisi de rester dans son jardin, au plus près de sa famille : rock indé, pop stylée et chanson ciselée. Mais même. On aurait pu dresser au moins dix tops 10 en changeant toutes les dix minutes, sans être sûr d’avoir le bon, ni de ne pas passer à côté du disque du siècle. Qu’importe. Comme d’hab’, le Dark y est allé au coup de cœur, au petit bonheur de (re)découvrir des albums singuliers, loin de ces tristes playlists « à mettre au pied du sapin » qui dépitent le Père Noël de Crock’n’roll ! Le best ouf de Rockenblog, lui, est original et carrément génial. Cela dit en toute modestie et parfaite mauvaise foi, bien entendu.
1. Dry Cleaning. New Long Leg
Dry Cleaning, « nettoyage à sec ». Comme un coup de trique, comme ce premier album qui décrasse les oreilles. L’émulsion se produit lorsque qu’un trio rock du sud de Londres, rencontre sa chanteuse. Ou plutôt sa non-chanteuse. Florence Shaw est universitaire, photographe, artiste visuelle… Tout sauf chanteuse. Mais elle écrit tout le temps. Des carnets de notes remplis d’observations du quotidien, de réflexions persos, de bribes de phrases piquées sur les réseaux sociaux, dans les tabloïds ou la pub. Débités d’une voix neutre, ces textes sans queue ni tête composent une matière poétique, une petite musique incantatoire et fascinante.
Lorsque Flo pose son flow sur la guitare/basse/batterie de ses compères le résultat est sidérant. Riffs acérés, lignes de basse harponneuses, frappe sèche… Dry Cleaning en réfère au meilleur des Pixies, de Wire, Sonic Youth et autres seigneurs du post punk en lévitation sur ce spoken word désincarné. THE révélation des albums de l’année. Produit qui plus est par John Parish (le sorcier de PJ Harvey notamment), ce qui ne gâche rien. 4AD/Beggars. https://www.beggars.com/
2. Courtney Barnett. Things take time, take time
De retour at home passablement en vrac (confinement, rupture amoureuse, tout ça) l’Australienne en a profité pour enregistrer ce petit bijou de folk rock. Plus folk que rock d’ailleurs, cool zen, comme guéri des accès de furie électrique qui zébraient le précédent opus. Sur le fil de sa voix lancinante et troublante, Courtney Barnett nous emporte dans de somptueuses ballades. A la fois rêveuse et mutine, aussi à l’aise dans les grands espaces de l’Americana, qu’au coin du feu d’une country pastorale, ou dans les clairs-obscurs du Velvet, l’une de ses influences majeures. Disque de chevet. Milk! Records. Le label indépendant de Courtney Barnett. https://milk.milkrecords.com.au/
3. I’ll Be your Mirror : A tribute to the Velvet Undergound & Nico
Une dream team du rock indé rend hommage au Velvet Underground (& Nico), à travers son œuvre séminale : le premier album « à la banane » pelée par Andy Warhol en 1967. Entre Michael Stipe (REM) et Iggy Pop, de la mélodie toxique au bruit blanc, le casting impeccable explore et éclaire les méandres du labyrinthe. Chacun.e apporte son « tribute » avec son identité, sans trop s’éloigner du monolithe de peur de se perdre en route. Pas plus que sur l’original, rien à jeter. Mais mention aux héritières de Nico : Sharon Van Etten, St-Vincent ou Courtney Barnett, encore. Sur le podium des albums de l’année depuis 54 ans. Verve/UMG Recording. https://verve.lnk.to/IllBeYourMirrorID
4. Têtes Raides. Bing bang Boum
Le retour de Têtes Raides « canal historique », enfin rassemblé après sept ans de mise en veilleuse. A la question de savoir si l’alchimie fonctionne encore, la réponse est oui, avec d’autres formules. Les douze plages oscillent ainsi entre rock côté punk, ska musette, valses claudicantes ou flonflons ronflant à l’électricité. Le fil rouge, c’est la danse et la poésie, ultimes actes de résistance et seules alternatives à l’apocalypse, ou tout au moins à l’happy collapse. Les mots toujours aussi énigmatiques se font plus durs, plus rentre-dedans. Christian Olivier les chante en français, franglais ou en yaourt. Mais nul besoin de tout comprendre pour en saisir l’élan vital. Jamais J’dégueule/BMG. https://www.alaniche.fr/
5. Marc Nammour & Loïc Lantoine. Fiers et tremblants
« Deux fils de prolos, toujours surpris d’être dans la musique après vingt ans de boutique ». Ici accompagnés par les musiciens de La Canaille, Marc Nammour et Loïc Lantoine jettent un pont entre rap et chanson. Le hip-hop élastique de l’un, la chanson rauque de l’autre, fusionnent naturellement dans une poésie humaniste d’une beauté à couper le souffle. Effectivement le plus fier et tremblant des albums de l’année. Vu il y a peu à la Cave à Musique de Mâcon. On n’en est toujours pas revenu. Association La Canaille/L’Autre Distribution.
6. The Limiñanas & Laurent Garnier. De Pelicula
Le duo de rock garage des Indiens de Cabestany (Pyrénées orientales), allié au grand manitou de la techno ? Mariage improbable, résultat stupéfiant. De Pelicula narre les amours toxiques de Saul et de Juliette, une douce prostituée « dans sa caravane des années 60 ». Clin d’œil aux films (pelicula) de série B, le scénario et le parlé-chanté rappellent aussi Melody Nelson, en plus noir, plus glauque, plus gore. Ici s’arrête la comparaison. The Limiñanas & Laurent Garnier conjuguent leurs talents dans un genre de transe psychédélique sur laquelle plane l’ombre du rock progressif allemand des années 70. Entre guitares stratosphériques et boucles électroniques, Qué Calor ! Because Music. http://www.theliminanas.com
7. Parquet Courts. Sympathy for life
Longtemps abonné au hymnes punkies/punchies, le quatuor new-yorkais s’encanaille du côté des dance floors sur ce septième album aussi vivant que sympathique. Quelques « classic indies rock » rappellent l’ADN du groupe de Brooklyn. Mais Andrew Savage et ses garçons lorgnent davantage vers Madchester 80’s, Primal Scream, sinon Talking Heads, voire Sympathy for the Devil des Stones. Bref, ces trucs à danser nus, qui mêlent funk blanc et groove vaudou, techno martiale et transe psychédélique, house sous acide et guitares en rut. Addictif. Rough Trade. https://www.parquet-courts.com/
8. Feu ! Chatterton. Palais d’argile
En matière d’apocalypse ou d’happy collapse, Feu! Chatterton en connait aussi un rayon (laser). Palais d’argile est une tour d’ivoire guettée par l’effondrement, truffée de machines et d’écrans qui en isolent les survivants. Le très baudelairien Arthur Reboul passe ce délitement au scanner de sa poésie lyrique. C’est superbe et terrifiant, même si l’homme qui vient peut encore rêver d’un monde nouveau. Raison de plus pour danser dans les ruines. Le producteur Arnaud Rebotini (la BO de 120 battements par minutes) ambiance ainsi la fin du monde sous la boule à facettes, ou sous la lune qui nimbe le spleen des dandies noctambules. Universo Em Fogo/Virgin. http://feuchatterton.fr/
9. Maxwell Farrington & Le SuperHomard. Once
La rencontre improbable entre Maxwell Farrington, crooner australien exilé en Bretagne, et Christophe Vaillant, multi-instrumentiste français surnommé Le SuperHomard. Adoubés par Iggy Pop himself, les deux zighomards ont commis au printemps l’un des plus beaux albums de l’année. Once flotte en apesanteur entre pop orchestrale et americana, avec une élégance rare. Celle que l’on retrouve chez des gentlemen de la classe de Scott Walker, Lee Hazlewood et autres Burt Bacharach, ou dans les jardins de familles p(r)incières genre Tindersticks, Calexico ou Divine Comedy. Talitres. http://www.talitres.com/
10. La Femme. Paradigmes
Oui, bon. La Femme peut agacer avec sa pop à perruques trop peroxydée pour être honnête. Mais lorsque ces gentils foutraques sortent un album aussi flamboyant que Paradigmes, on adore. Un disque luxuriant où se mêlent en un joyeux bordel mélodies yéyé acidulées, gros groove qui claque, synthés, guitares et cuivres furibards. Disque idéal pour les teufs de fin d’année, et un Cool Colorado enfumé pour finir la soirée. Disque Pointu/PIAS/Idol.