Lundi 6 et mardi 7 juin au Théâtre antique, Nick Cave & The Bad Seeds ont donné deux concerts d’anthologie. Dark Mazy y était et n’en est pas encore revenu.
On disait Nick Cave dévasté, ruiné par les deuils de ses deux fils et une vie de barreau de chaise. Muré dans des cathédrales somptueuses qu’il érige, album après album, pour accueillir ses fantômes et retrouver la paix intérieure. Et pourtant…
« I’m not afraid to die »
Comment déceler une once d’enfermement chez le performeur magnifique qui vient d’enchanter pendant deux Nuits un Théâtre antique de Fourvière comble et comblé ? Nick Cave y est apparu fringant comme aux plus beaux jours, droit comme un i, affûté comme une lame. Toujours aussi classieux dans son costume trois pièces, longue silhouette d’élégance à la chevelure noire de jais. Intemporel, éternel. A voir les ans glisser sur lui, on se demande si ce prêcheur halluciné n’a pas conclu un pacte avec Méphisto. Ou s’il ne serait pas lui-même l’un de ces fantômes revenus d’entre les morts. « I’m not afraid to die » comme il chante sur The Mercy Seat.
Diablement séduisant
Si c’est le cas, l’au-delà doit être diablement séduisant. Accompagné par neuf Bad Seeds, dont trois choristes et le prophète à tout faire Warren Ellis, Nick Cave s’en donne à cœur joie (oui, oui). Bouge tel Iggy Pop, boxe des adversaires imaginaires et envoie des coups de pied à la lune. Provoque les premiers rangs, se serre contre eux et serre les mains tendues. Le vieux (cor)beau se fait aussi un peu cabot, un brin dragueur lorsqu’il branche gentiment une spectatrice par l’entremise de Jack The Ripper. Très en forme, le boss chambre public et musiciens de son humour distancié. Ce qui ne l’empêche pas dans la minute qui suit, de vous tirer les larmes sur une complainte bouleversante. L’humour est la politesse du désespoir. Le concert, un baume qui apaise ses tourments.
Quarante ans d’un élixir incandescent
Dark Mazy a vu le set du mardi 7 juin. Mais celui de la veille était de l’avis général du même calibre. Génial, tout simplement. C’est-à-dire au moins au niveau DU « Concert de Nick Cave de 2013 » qui lui-même figure dans l’anthologie des Nuits de Fourvière. Entre Get Ready for Love en ouverture et Ghosteen Speaks au final, rien à jeter dans cette revisite d’une œuvre magistrale. « Murders ballads », blues et bluettes, groove vaudou, rites funéraires et rock’n’roll… Nick Cave & The Bad Seeds, c’est quarante ans de musique qui défilent. Mieux que quiconque, le crooner hanté de Melbourne (Australie) a su extraire l’essence du rock en un élixir incandescent.
Les fantômes du show must go on
Rien à jeter, mais des pics vertigineux se détachent des sommets. Jubilee Street à couper le souffle ; l’enchaînement grandiose de Red Right Hand (bonjour Tommy Shelby…), The Mercy Seat et The Ship Song ; la cavale échevelée vers City of Refuge ; Ou le final amorcé par Into My Arms. Puis vient Henry Lee (en duo avec une choriste à la place de PJ Harvey), et un départ tout en douceur sur Ghosteen Speaks. « I’m beside you », I Need You, Waiting for You, psalmodiés dans l’intimité d’un piano-voix qui vous prend aux tripes. Derrière la flamboyance du « show must go on », Nick Cave n’a jamais cessé de parler avec ses fantômes.
The Smile ce mercredi
Les Nuits de Fourvière poursuivent dans le beau ce mercredi 8 juin avec The Smile. Prenez deux Radiohead (Thom Yorke, Johnny Greenwood) et un batteur de jazz (Tom Skinner des Sons of Kemet) pour le trio le plus intrigant du festival. Né comme une récréation confinée, The Smile vient de sortir A Light for Attractive Attention (XL Beggars), concentré des influences de Yorke & co (folk, post-punk, pop, psychédélique, électro…), le gros groove en prime, avec de vrais morceaux de Radiohead dedans.
The Smile + Robert Stillman. Mercredi 8 juin, 21h00, Théâtre antique de Fourvière. 65 €. Ce matin, il restait encore des places disponibles sur https://www.nuitsdefourviere.com/billetterie
sans rire, il a fallu attendre que Jonny Greenwood tombe la veste …..