Suzane sera l’une des têtes d’affiche du festival Luciol In The Sky, ce samedi 11 juin à Charnay-les-Mâcon. Victoria Abril et Clit is Good, les interdits et l’homophobie, le live, l’album et l’électro… La conteuse d’histoires vraies tombe la combi pour parler sans détours. Rencontre avec une femme libre.
Allons à l’essentiel. Clit is Good…
Suzane. Je suis bien d’accord avec vous ! (rire) Pardon.
Clit is good, donc. Hymne au plaisir féminin, comme il est écrit joliment ici et là. Vous abordez le sujet de façon ludique, marrante, limite égrillarde, ne serait-ce que pour le clin (clint) d’œil du titre au macho ultime…
Complètement. Je voulais répondre ainsi à cette société patriarcale qui ne veut pas trop parler du plaisir féminin. C’est une référence au Clint Eastwood de Cry Macho, oui bien sûr.
« Victoria Abril s’adonne à son plaisir, pour toutes les femmes de son âge »
Plaisir universel puisque vous croisez les physiques, les couleurs de peau, les générations… Dans le clip, on reconnait Deborah Lukumuena (Divine), Kit Picamoles (10%) et bien sûr Victoria Abril, l’actrice fétiche d’Almodovar. Comment persuade-t-on Victoria Abril de venir se caresser devant la caméra ?
Je n’ai pas eu besoin de la persuader tellement elle a aimé ce titre ! Elle aurait voulu qu’une chanson comme celle-ci existe dans sa vie. Une chanson qui parle de liberté. J’ai toujours été inspirée par cette actrice libre et forte. Victoria Abril a 62 ans. Malheureusement, la société considère que les femmes de cet âge n’ont plus de désir. Qu’elles n’ont même plus le droit de ressentir du plaisir. Dans le clip, Victoria s’adonne à son plaisir, pour toutes les femmes de son âge.
Sitôt sorti, le clip a été interdit aux moins de 18 ans ! Le plaisir féminin est-il dangereux pour la jeunesse ?
En tous cas, il reste tabou et interdit dès que l’on commence à en parler. La femme n’est là que pour éveiller le plaisir des autres en érotisant son corps et ça, ce n’est pas interdit aux moins de 18 ans ! Mais si elle parle de son plaisir à elle, tout de suite on crie au scandale : « Mais qu’est-ce que c’est que cette sorcière !?» Des artistes hommes parlent de leur plaisir à eux, OK ? Toi, tu te tais. Ça raconte la société.
« Je ne vais pas me mentir ou mentir au public »
Vous abordez les questions de société comme le féminisme, l’écologie, ou l’homosexualité. Le fait que des artistes comme Suzane, Eddy de Pretto ou Pomme ne fassent pas mystère de leur orientation sexuelle peut aider à combattre l’homophobie ?
J’espère. Que l’on soit ça ou ça ne devrait pas être un sujet. Moi, je ne vais pas me mentir ou mentir au public. Après, si des gens se reconnaissent dans mes chansons, tant mieux. Si les artistes ne sortent pas du bois, qui va le faire ? Comment des gens qui vivent cachés dans leur petite ville vont pouvoir en sortir. Je leur dis seulement : soyez-vous-mêmes.
Suzane, porte-parole de la cause LBGT ?
Je ne suis pas porte-parole, je raconte une histoire. Je vous l’ai dit. Si des gens s’y retrouvent, tant mieux. Moi, je m’inclus dans cette foule. J’ai juste l’impression d’écrire des chansons pour faire du bien. C’est déjà ce que je fais pour moi, quand je me sens seule ou que je ne vais pas bien : j’écris.
Vous avez écrit la suite de Toï Toï ?
Oui. Le prochain album est bientôt bouclé. Il sortira dans les prochaines semaines.
« Un show visuellement costaud »
Vous présentez des titres inédits sur scène avant l’album ?
Tout à fait. Toï Toï a été disque d’or. L’album est sorti en plein covid et je remercie le public de l’avoir défendu. J’ai commencé à le jouer sur scène sans avoir sorti grand-chose en studio. Le prochain c’est pareil. Je veux que mes chansons arrivent par le live, pas à travers des écouteurs. Que les gens écoutent mes chansons fort en live, pour qu’ils aient envie de les écouter chez eux.
Vos premiers sets avaient scotché tout le monde. Quelle est l’ambiance du nouveau spectacle ? Vous êtes toujours seule sur scène ?
Oui, mais j’ai pas mal de matos avec moi ! C’est un show visuellement costaud. J’ai beaucoup travaillé la danse et l’interprétation. Je veux que le public s’y retrouve.
« Je n’ai pas envie de m’enfermer dans un personnage »
On a l’impression que vos derniers titres sont plus produits, plus arrangés, qu’ils rompent avec l’électro minimale et la spontanéité qui faisait le charme de Suzane…
C’est vrai que le décor musical n’a plus grand-chose à voir. J’essaie de garder la spontanéité des textes. Mais aujourd’hui, j’ai envie de chanter, d’explorer ma voix, de mettre mes mots sur des notes.
Suzane, « conteuse d’histoires vraies sur fond d’électro », comme vous vous définissiez… Vous êtes passée à autre chose ?
Conteuse d’histoires vraies, toujours. Après je n’ai pas eu que l’électro dans ma vie. Mes influences viennent aussi de la chanson, des musiques urbaines ou de la pop. Je ne veux pas être étiquetée « électro », mais être considérée comme une artiste qui fait ce qui lui plait.
La combi bleu mousquetaire, c’est fini aussi ?
Là encore, je n’avais pas envie de m’enfermer dans ce personnage. J’ai décidé d’enlever quelques couches et de montrer mon visage. Aujourd’hui, je suis prête à cela. Prête à aller vers moi-même.
Propos recueillis par Marc DAZY
Suzanne, samedi 11 juin au festival Luciol in the Sky de Charnay-les-Mâcon. Programme détaillé sur https://luciol.cavazik.org/actualite/luciol-in-the-sky/ et dans Rockenblog.