Rockenblog immergé dans Rock en Seine a suivi la deuxième journée de l’événement parisien. De Jehnny Beth la badasse à Nick Cave & The Bad Seeds, ambiance, effervescence et transhumance au plus beau festival rock de France.
Vendredi 26 août, 15h15. Rock en Seine 2022, J2, vient d’ouvrir ses portes. Ça fait tout chose de retrouver le domaine national de Saint-Cloud, son cadre bucolique princier, son bassin, ses statues. Trois ans qu’on n’était pas venu pour raisons pandémiques. Cette fois, Dark Mazy a choisi de couvrir la deuxième journée de l’édition 2022, celle de Nick Cave s’il vous plait ! Curieusement, la moins courue avec celle de dimanche (Stromae), alors que le jeudi (Arctic Monkeys) et le samedi (Tame Impala) affichaient complet. Rappelons que Rage Against the Machine ne viendra pas le mardi 30 août, journée supprimé. Motif : le chanteur Zach de la Rocha s’est blessé à la jambe lors d’un concert à Chicago, tournée européenne annulée.
De l’art et du cochon
Vendredi 26 août, 15h15, donc. Pour une fois qu’on n’est pas à la bourre, on en profite pour traînailler dans les stands de ceci-cela. Madame Mazy s’essaie à l’air guitar chez Dior. Tente sa chance à la loterie numérique de Samsung et prend des chapeaux rouges à la scène Firestone. Juste à côté, un cochon ailé du meilleur goût et un vieux Tube Citroën repeint en rose indiquent le coin réservé aux producteurs de porc français. Qui nous démontrent en longe, en lard et en travers les qualités de leur filière. A propos de cochons, voir le stand moins flatteur de l’association Nous toutes contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes. C’est aussi cela un festival : un lieu de business et de communication où l’on croise tout et son contraire.
I had sex with Jehnny Beth
Assez digressé. 15h45 à la scène Cascade. Sous une chaleur plombante, Jehnny Beth ouvre la longue série de concerts façon coup de pied dans la porte. Blam ! T.shirt blanc « Badasse », mini-jupe vinyle noir, escarpins, la chanteuse/actrice se rit des clichés so sexy. La boxeuse balance un set techno-indus en forme d’uppercut, et démontre ses qualités de performeuse, notamment lorsqu’elle vient chevaucher la foule. On en ressort sonné et vaguement amoureux. Du coup, j’achète le T.shirt « I had sex with Jehnny Beth ». Vite, une douche d’eau froide pour rafraîchir les esprits.
Diiv, addictif…
Le temps de jeter une oreille à Donna Blue, groupe batave de yéyé/surf – sympa sans plus – sur la petite scène Firestone, et direction la grande scène où Aldous Harding a déjà commencé. L’immense plateau de Rock en Seine n’est-il pas surdimensionné pour le folk-rock intimiste de la Néo-Zélandaise ? On ne le saura jamais car en route, nous voilà scotchés à Diiv qui eux, officient à la Cascade ! Avis très favorable pour le quatuor new-yorkais de rock indé, famille Nirvana/Grandaddy. C’est encore cela un festival : la programmation blindée oblige à faire des impasses souvent gagnantes en terme de découvertes.
Qué calor !
Déjà 17h45, l’heure d’aller se placer sur la Grande Scène pour le concert des Limiñanas. Huit sur scène dont trois ou quatre guitares de rang, puissance de frappe énorme et vidéos géantes. Le meilleur groupe de Cabestany (Pyrénées Orientales) du monde enchaîne sans temps mort et sans nuances les morceaux de rock garage, transe psychédélique et yéyé aussi. Qué calor ! Comme leur tube cosigné avec Laurent Garnier.
Transhumance
19h00. Nouveau travelling pour rejoindre la scène du Bosquet, là-bas à l’autre bout du site. C’est le problème de Rock en Seine, festival tout en longueur réservé aux marcheurs en perpétuelle transhumance. Heureusement, des havres de paix avec hamacs, bateaux fauteuil et coussins nous invitent à chiller. On s’y arrêtera au retour, promis. Mais pour l’instant, on repasse droits comme balle devant la Cascade en zappant James Blake, sans dévier de notre objectif : Los Bitchos au Bosquet.
Voilà une autre découverte qu’elle est intéressante. Soit quatre filles (+ un guitariste) des quatre coins du monde (Amérique du Sud, Australie, Angleterre, Suède) réunies dans un girls band instrumental. S’y mélangent cumbia, reggae, disco et psychédélique dans un joyeux foutoire et une allégresse communicative.
Bulles
19h45. Pause. Au programme, bar à bulles, bar à bière, barquette de frites et hot dog dégueu. On repasse devant James Blake qui n’a pas fini de roucouler, pour se poser devant London Grammar aux abords de la grande scène. Allongés dans la verte, on se laisser bercer par la pop inoffensive d’Hanna Reid et ses garçons. Quitte à ne rien faire, autant buller sur les coussins de l’espace détente en attendant Kraftwerk à la Cascade.
Les prédictions de Kraftwerk
21h15. Allez, un petit coup de jus de fruits pressés et ça repart. Juste pile pour assister au show des hommes-machines alignés comme à la parade derrière leurs computers et devant des vidéos visibles en 3D. Autobahn, Radioactivity, Tour de France, Metropolis… Depuis cinquante ans, les visionnaires de Kraftwerk prédisent un univers déshumanisé guetté par les spectres du totalitarisme et de l’hiver nucléaire. Glaçant et grandiose. Aurait mérité la Grande scène.
Nick Cave : comme une légère déception
Oui, mais non. Parce que la Grande Scène était réservée à Nick Cave & The Bad Seeds en clôture de Rock en Seine J2. « Génial tout simplement » titrait Rockenblog après le concert du 7 juin aux Nuits de Fourvière (https://www.rockenblog.fr/2022/06/08/nick-cave-a-fourviere-genial-tout-simplement/). A Rock en Seine pareil. Même intensité, même émotion, et toujours ce mélange unique de fougue et d’élégance.
A quelques nuances près. Nick Cave est apparu en forme olympique. A tel point que le performeur/gladiateur s’est pris à son propre jeu dans cette arène sans comparaison avec l’intimité relative du théâtre antique de Fourvière. Impayable lorsqu’il range un carton « Suck my dick » dans la poche de sa veste, il a joué encore plus avec la foule de plus de 30 000 spectateurs. Au risque de se perdre dans la forêt de mains tendues, ou de rallonger la sauce jusqu’à la transe : sur From here to eternity ou Tupelo par exemple.
Sabotage au rappel…
Sauf qu’à Rock en Seine, l’heure c’est l’heure et pas question de louper le dernier métro. A trop étirer le set, le prodigieux prodigue a saboté son rappel réduit à deux morceaux seulement : le superbe Into my arms repris en chœur par la foule (chair de poule), et le banal Vortex qui n’a rien d’un final. Exit en revanche, Jack The Ripper, Mermaids, Henry Lee en duo avec une choriste, et Ghosteen Speaks qui avaient bouleversé le public de Fourvière.
… Et conditions d’écoute indignes
D’où une légère déception, accrue par les mauvaises conditions d’écoute. A Rock en Seine, la Grande Scène est plate et la foule compacte. Entre le gros de devant qui vous bouche la vue, ceux qui passent, repassent et bousculent, et les milliers d’autres qui n’arrêtent pas de claquer photos et vidéos (à quand l’interdiction des portables en concerts ?), difficile d’apprécier à sa juste valeur un concert d’exception comme celui de Nick Cave.
/Photo Olivier HOFFSCHIR/Rock en Seine
Dimanche 28 août. Suite et fin de Rock en Seine, dès 15h00 au domaine de Saint-Cloud. Avec Stromae, FKJ, Aurora, Parcels… Reste des places. 69/79€. https://www.rockenseine.com/