De vrais concerts de rock en septembre ? Impossible en raison du protocole sanitaire. Les salles de musiques actuelles ne rouvriront pas avant janvier, quitte à se mettre en danger, expliquent les directeurs de la Tannerie de Bourg et de la Cave à Musique de Mâcon.
Deux dates « fast & furious » sur les agendas de la Cave à Musique et de la Tannerie. Le 11 septembre, les Ramoneurs de Menhirs ouvrent la saison de la salle mâconnaise. Complet depuis des mois. Le concert était programmé le 13 mars. Reporté pour cause de confinement. Même motif, même punition pour celui des Wampas, décalé du 14 mars au 26 septembre à la SMAC de Bourg.
Chic alors, depuis le temps… Les slameurs se jettent dans une foule dodue comme un gros édredon ? Les pogoteurs se ruent les uns sur les autres, les soiffards s’empilent à la buvette ruisselante de bière et de sueur ? Hé non. Sauf vaccin miracle, les salles de musiques actuelles ne rouvriront pas en septembre, ni même à l’automne.
Pas de concerts avant janvier ?!
Comment respecter le mètre de distance entre des spectateurs debout ? Masquer les chanteurs ? Appliquer les gestes barrières au bar ? Et sans rire, vous voyez le Ramoneur Loran Béru avec un masque ?
« Complètement impossible, tranche Didier Goiffon le directeur de la Cave. Très clairement, le protocole sanitaire nous interdit de rouvrir ». Telle est la position du Syndicat des Musiques Actuelles qui regrette « des décisions basées sur un rapport d’infectiologues, sans aucune concertation avec les professionnels ».
Le directeur de la Tannerie Gilles Garrigos se dit lui aussi « Très pessimiste. Il y a 5% de chances de reprendre en septembre ou octobre. On mise plus sur un retour en janvier ».
Effet domino et pertes sèches
Des reports de reports ? « Ce sera super compliqué. On risque l’effet domino si les dates se chevauchent ». L’offre se réduirait d’autant. Réalistes, les tourneurs internationaux travaillent tous sur le printemps, ne laissant sur le marché d’hiver que les groupes français et underground.
Les salles tomberaient alors dans des annulations en cascade aux conséquences beaucoup plus dommageables. « Pour les Ramoneurs, on a déjà payé l’intégralité du contrat de vente. Si le concert ne se fait pas, il faudra rembourser le public ». Compter dans les 6000 € pour quelque 500 réservations. S’ajoutent les pertes sèches (si l’on peut dire…) « Pour les Wampas, on aurait fait un bar de malade !» regrette Ann Huiton, la programmatrice de la Tannerie. Billetterie, buvette et locaux de répétition constituent l’essentiel des recettes propres. « Elles représentent 30% d’un budget de 750 000 € » note Gilles Garrigos. A la Cave, Didier Goiffon chiffre entre 25 et 30 000 € le manque à gagner au comptoir depuis le 15 mars.
Subventions : attention danger !
Des salles comme la Tannerie et la Cave vivent surtout de subventions, et malheur aux privés du type Ninkasi. Mais pour tout le monde, l’inactivité grève gravement l’autofinancement et met la trésorerie en porte-à-faux. Rien ne dit que les deniers publics vont continuer d’abonder en 2021. Gilles Garrigos : « La culture va-t-elle faire les frais de cette nouvelle donne économique ? Tout dépend de la volonté politique des collectivités territoriales. Le danger serait qu’elles proratisent les subventions en fonction de l’activité ».
Rouvrir d’abord les locaux de répétition
Les salles de musiques actuelles pourraient mettre un pied dans la porte du déconfinement grâce à leur mission d’accompagnement. Une activité capitale, et une forte demande de la part des musiciens privés de ces lieux de répétition, de résidence, de création, ou tout simplement de vie. « On pourrait rouvrir fin mai, début juin, estime Gilles Garrigos. On y pense. Mais cela demande de l’organisation et de la discipline pour que les gens ne se croisent pas dans tous les sens. Encore faut-il qu’on obtienne l’autorisation en tant qu’établissement recevant du public. Pour l’instant, on n’a pas le droit ».
Didier Goiffon prévoit la réouverture des locaux de répétition en septembre. « Cela permettrait de rédiger un vrai protocole et de se relancer en douceur à la rentrée ».
Macron et la culture : le « wait & see » des directeurs de salles
Jusqu’à début mai, les salles ont mis leurs permanents (14 pour la Tannerie, 11 pour la Cave) en télétravail. Etant acquis qu’elles ne rouvriront pas de sitôt, elles sont désormais dans une logique d’activité partielle. Elles peuvent y recourir jusqu’au 2 juin. « Après, à suivre en fonction des annonces sur le déconfinement » note Didier Goiffon.
Le show présidentiel/culturel l’a moyennement convaincu. « Des choses positives sont sorties du chapeau : l’année blanche des intermittents, la taxe au CNM (centre national de la musique) et l’ouverture du fonds de solidarité des TPE (très petites entreprises) aux structures culturelles. Maintenant, faut voir comment ça se décline et sur quels critères ».
« Wait & see » aussi chez Gilles Garrigos. « L’annonce sur l’intermittence est véritablement positive. C’est important pour les salles aussi par rapport aux techniciens et aux artistes émergents. Ensuite, il faudrait que l’Etat soit chef de file des politiques publiques vis-à-vis des collectivités (Département, Région) pour qu’on soit rassurés. De l’argent c’est bien. Maintenant faut voir pour quoi faire. En résumé : pas trop mal. Mais on attend les vraies décisions ».
En revanche, la proposition de faire intervenir les artistes à l’école prête à sourire. Didier Goiffon la qualifie de « grand délire. Il faudrait un an de préparation. C’est complètement illusoire ».
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